Je suis née avant l’aube. Avant mon aube à moi. J’avais 3 mois d’avance sur les meilleures des prédictions.


Je suis née avant l’aube. Pas celle du monde, même si elle y ressemble, mais celle à moi. Autant vous dire que ma naissance ne s’est pas faite en douceur, celle à laquelle j’aspire aujourd’hui encore, celle à laquelle un chacun a droit. Mon monde est né avec moi, portant dans ses promesses les sourires des jours à venir, portant jusque dans ses épuisements les souffrances de mon propre cœur. J’en ai conscience mais je sais que je ne suis pas née par hasard. Mon heure était venue et ma volonté aussi. A un moment donné il faut faire le grand saut, il faut savoir entrer en scène. La meilleure chose pour réussir quelque chose, c’est de faire le premier pas. C’est le plus difficile.


Je suis née avant l’aube, avant même que la rosée qui embua les yeux de ma mère, épuisée par tant d’efforts, épuisée après tant d’heures à me porter en elle avec les doutes qui prennent tant de place lorsqu’il s’agit d’un premier enfant. Et septembre est un beau mois. Le début de l’automne, la fin de l’été. Les couleurs arrivent sur les arbres comme les rêves dans la nuit. J’aime bien l’espoir que le temps dessine sur les visages, ce sursaut rebelle d’une saison qui sait qu’elle va s’incliner, qu’elle ne pourra vaincre dans ce combat inégal. Je suis née à la lisière des saisons. L’automne commence le 22 septembre. Ne dit-on pas que septembre se nomme le mai de l’automne ?


Je me suis souvent demandée où commence la naissance d’un être. Quel est le point zéro. Est-ce le moment où deux êtres se rencontrent que la vie commence à s’écrire ? Est-ce que tout naît d’une pensée, d’une opposition ? Je ne saurai vous le dire avec précision. Je suis née avant l’aube et déjà je comprends que la joie parraine la peur et si la tristesse se lit dans les yeux, le bonheur n’est jamais bien loin. Il suffit d’un regard. Il suffit d’un sourire. Il suffit du timbre d’une voix. La peur se transmet comme l’amour. Et sans amour il n’y a pas de peur possible. Le malheur n’étant que le nom qu’on donne usuellement à ce qui ne fait pas sourire. Il y a des présences qui suffisent à l’enchantement, des attentes qui accueillent la vie plus que d’autres. C’est ainsi. Je l’accepte. Et j’aurai toujours le choix.



Je suis née avant l’aube, à une grâce abandonnée. Je m’appelle Satine et ceci est mon histoire.


C’est là ma différence, c’est là ma destinée.


par Jean-Pascal Ansermoz

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Née avant l’aube